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La parenthèse de Noël pour ceux de l’accueil de jour

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Les personnes isolées ou en situation de grande précarité vivent la solitude encore plus durement pendant la période des fêtes. Des repas fraternels apportent un peu de réconfort, comme à l’accueil de jour du Secours Catholique de Pontoise, en région parisienne. Reportage.

La scène est familière : quatre personnes autour d’une table qui tartinent des toasts au saumon, au foie gras et aux œufs de lompe. « Il y a encore de la crème fraîche ? », demande Marie, bonnet rouge clignotant sur la tête. Ce jeudi-là, à l’accueil de jour du Secours Catholique de Pontoise (Val d’Oise), on prépare le repas de Noël.

« Les autres années, je m’en fichais un peu », confie Guy, tout en disposant des tranches de saumon sur de petits pains ronds. « Mais cette année, je me sens un peu plus de le fêter. J’ai envie d’un peu de chaleur », poursuit ce grand brun tatoué. À côté de lui, Howasem approuve : « Ce repas, ça fait plaisir, c’est un petit moment de convivialité entre nous, qui sommes seuls et dehors ».

L’accueil de jour de Pontoise est ouvert trois matinées par semaine, pour permettre aux personnes à la rue ou hébergées par le 115 de se doucher, de laver leur linge, de prendre un petit déjeuner au chaud, et d’être écoutées par des bénévoles. De temps en temps, un repas est servi le midi. Pour ce déjeuner spécial fêtes, la salle a été décorée de quelques guirlandes, d’un sapin et de nappes rouges sur les tables.

 

C’est important d’être ensemble dans cette période-là.

Kara, accueilli

« On a préparé cela la semaine dernière », indique Oriane, 33 ans, mère au foyer et bénévole depuis le mois d’octobre. « Kara m’a aidée, précise-t-elle en désignant un jeune homme assis à une table. Quand les gens que l’on accueille sont parties prenantes, cela donne encore plus de sens à ce que l’on fait ». Kara, qui explique être demandeur d’asile, acquiesce : « C’était sympa de décorer ». « Ce repas, ça nous sort un peu de la routine, souligne-t-il. On mange, on discute, on est ensemble. C’est important d’être ensemble dans cette période-là ».

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En cuisine, le plat principal – un couscous - mijote. Karima, qui a travaillé dans la restauration avant l’arrivée du Covid, est à la manœuvre pour réchauffer les préparations qu’elle a concoctées la veille. « Tu me donnes le beurre, ma belle ? », demande-t-elle à Marie Sylvie. Cette dernière, hôtesse à l’aéroport de Roissy pendant 30 ans vient de signer une rupture conventionnelle.

« Humainement parlant, ça n’était plus ça, explique-t-elle. Et le Covid m’a fait réaliser que je ne pouvais pas rester dans mon petit confort ». « Il faut être solidaire dans la vie ! Il faut partager ! » renchérit Karima, tout sourire alors qu’elle travaille la semoule à la main pour bien en séparer les grains.

comme des retrouvailles

« Je vous souhaite de passer le mieux possible cette fin d’année ! », déclare Xavier à la cantonade pour ouvrir les festivités. Une trentaine de convives a pris place, parmi lesquels Dominique, 64 ans, le crâne entièrement chauve. « Ça fait 15 ans que je viens ici, des repas de Noël j’en ai vécu ! Certaines années, j’ai participé en faisant des gâteaux. Ça me connaît, j’étais pâtissier-confiseur-chocolatier. »

Dominique ne sait pas où il dormira le soir-même. Parfois il est hébergé dans sa famille. Plus souvent, il rejoint Paris et se fait emmener jusqu’à un foyer par le bus du recueil social. « J’aime passer Noël ici avec mes amis », témoigne-t-il. C’est important Noël, c’est une belle fête ». « C’est comme des retrouvailles, prolonge Ahouaman, un Ivoirien de 33 ans, arrivé en France il y a dix ans, et dont la situation administrative est toujours bloquée.

« C’est donner de la joie, apporter le sourire. Ça change du quotidien. Quand tu n’as pas de ressources, pas de toit à toi, que tu dors dehors ou chez des potes, tu es un peu dans une prison à ciel ouvert. Tu te bats pour survivre, pour garder le moral. Alors ces moments-là de partage, ça fait plaisir. »

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Bouzid apprécie aussi d’être entouré, même si, comme beaucoup ici, il savoure son repas en silence, les difficultés pesant trop lourd pour donner lieu à une conversation légère. « C’est la fin de l’année, on fait le bilan. Quand on est seul comme moi, c’est dur », confie-t-il.

À tout juste 50 ans, ce père de famille est tombé très bas. Les problèmes se sont enchaînés : une hernie discale invalidante après des années à porter des pare-brise de voiture pour une enseigne bien connue, une séparation, une addiction sévère au cannabis… « On ne peut pas être seul dans la vie, on a besoin de parler aux gens. Alors tout ça, là, ça crée du lien. »

clémentines et papillotes

Autour du bavard Idrissa, quelques amis de galère s’amusent à résoudre des devinettes tout en dégustant leur part de bûches glacées. D’autres jeunes hommes, épuisés par leur nuit dehors, somnolent. Le café bu, Guy et d’autres donnent un coup de main aux bénévoles pour la vaisselle et le nettoyage de la salle.

À une table, Claudio demande de l’aide : il bataille sur son téléphone avec l’application Pôle emploi. Il vient de recevoir un coup de fil de sa conseillère lui demandant de lui transmettre son CV. Dans le bureau des bénévoles, Dominique, lui, appelle le 115, tentant d’obtenir une chambre pour la nuit.

La parenthèse de Noël se referme. Pour la maintenir entr'ouverte, Oriane, Bernadette et Marie remettent aux uns et aux autres quelques sachets de clémentines et papillotes.

Auteur et crédits
Clarisse Briot Crédits photos : © Mathieu Genon / Secours Catholique